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Les Inuits orientent la recherche sur les couloirs de navigation à faible impact


« Nous devons chasser pour manger. De nos jours, c'est plus difficile. »

Ce cri du cœur, lancé par Arden Nibgoarsi, est un message que les chercheurs ont entendu à maintes reprises lorsqu'ils se sont rendus dans cinq communautés côtières pour comprendre comment l'augmentation considérable de la navigation dans l'Arctique a des répercussions sur la sécurité alimentaire et le mode de vie de leurs habitants.

« Nous voyons beaucoup plus de navires qui traversent notre région et qui ont l'air de naviguer où bon leur semble. Le bruit des moteurs fait fuir les animaux marins de certains secteurs, ce qui signifie que nous devons aller plus loin pour chasser. C'est très préoccupant pour nos ainés et nos chasseurs. La nourriture vendue à l'épicerie coute très cher, et les aliments ne sont pas toujours offerts », explique M. Nibgoarsi, qui vit à Arviat, au Nunavut, sur la côte nord-ouest de la baie d'Hudson.

M. Nibgoarsi est l'un des nombreux Inuits qui ont contribué à un projet de recherche sur la sécurité et la durabilité des couloirs de navigation dans le Nord, grâce au financement du réseau MEOPAR (Marine Environmental Observation Prediction and Response) et de la société Irving Shipbuilding inc.

Avec la fonte accélérée de la glace de mer et les facteurs socioéconomiques qui changent, le nombre de navires qui traversent cette région éloignée, mais de plus en plus accessible, a plus que doublé depuis 30 ans. Plusieurs pays ont déjà commencé à se préparer à l'ouverture inévitable de nouveaux couloirs de navigation dans l'Arctique, notamment le fameux passage du Nord-Ouest si difficile à franchir, ainsi qu'aux risques et aux possibilités qu'entraineront l'exploitation et le commerce des ressources naturelles. Des discussions ont également commencé sur la façon dont les couloirs de navigation du Canada pourraient être intégrés à ceux des États-Unis et de la Russie.

Mais cette réalité met également à l'épreuve la sécurité et la sureté du Canada et elle représente un défi pour les communautés nordiques qui comptent sur le milieu marin pour leur alimentation, leurs déplacements et leur mode de vie. C'est pourquoi la Garde côtière canadienne, le Service hydrographique du Canada et Transports Canada ont conclu un Le lien suivant vous amène à un autre site Web partenariat avec MEOPAR et l'Université d'Ottawa pour mener des recherches dans ces communautés afin de délimiter les zones marines importantes sur le plan écologique et culturel.

« Notre objectif est d'obtenir pour les décideurs et les communautés locales de l'information très concrète qui les aidera à choisir l'emplacement des couloirs de navigation et à les gérer. Le Service hydrographique du Canada souhaite également utiliser les données générées par le projet afin de mettre en place un programme de cartographie numérique permettant de transmettre ce type d'information directement aux navires », explique la chercheure principale Jackie Dawson, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l'environnement, la société et la politique à l'Université d'Ottawa. Le groupe de recherche de Mme Dawson a également créé une base de données sur les routes empruntées par les navires afin de mieux comprendre les tendances concernant la navigation dans cette région depuis 1990).

Les résultats seront pris en compte dans l'Initiative des couloirs de navigation à faible impact (autrefois appelée Initiative des corridors de transport maritime du Nord. Cette initiative du gouvernement du Canada vise à déterminer avec précision des couloirs de navigation dans l'Arctique et à établir les priorités pour ce qui est des dépenses au titre des infrastructures et des services de transport et d'intervention en cas d'urgence (p. ex. hydrographie, aides à la navigation, opérations de déglaçage et patrouilles). Les données issues du projet seront mises à la disposition des organisations inuites afin de leur permettre d'élaborer des plans de gestion pour les zones visées par les revendications territoriales, de gérer les ressources locales et de négocier avec les entreprises souhaitant travailler dans la région des ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits.

« C'est vraiment difficile de choisir l'emplacement des couloirs de sorte qu'ils aient le plus faible impact possible sur les écosystèmes ainsi que sur les populations et les pratiques culturelles locales, y compris sur les zones pour utilisations marines locales et les zones d'exploitation, ajoute Mme Dawson. Il est donc important de bien comprendre comment gérer la navigation dans l'Arctique de manière à respecter les populations locales, à soutenir le développement de l'industrie et à stimuler la croissance économique de manière durable. »

La participation des Inuits est essentielle – comme en témoigne le slogan du projet « Prendre en compte la voix des Inuits dans l'élaboration de la politique fédérale sur la navigation ». En plus de collaborer avec le gouvernement du Nunavut, les organisations inuites, les conseils locaux et l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'équipe de Mme Dawson a embauché une quinzaine de résidents locaux comme coanimateurs d'ateliers communautaires. En outre, Natalie Carter, stagiaire postdoctorale membre de l'équipe, a donné à 25 Inuits de 18 à 30 ans une formation sur les techniques de cartographie. Ces jeunes ont ainsi acquis des compétences qui pourraient leur donner un jour accès à des emplois dans des projets de surveillance et de cartographie.

La conseillère municipale Eleanore Arreak-Pitseolak fait partie des jeunes qui ont participé aux consultations à Pond Inlet, au Nunavut. Située sur la rive nord de l'ile de Baffin, cette petite communauté d'à peine 1 600 habitants constate une augmentation importante de la navigation – tant des bateaux de croisière et des yachts privés que des navires transportant le minerai de fer provenant de la mine de Mary River.

Les préoccupations soulevées par la population de Pond Inlet ont fait écho à celles entendues dans les autres communautés côtières. Les navires bruyants qui effraient les bélougas et les autres mammifères marins posent un problème majeur, tout comme ceux qui rejettent leurs eaux de ballast, ce qui pourrait introduire des espèces envahissantes dans la région.

« Les ainés et les chasseurs savent où circulent les animaux, si bien qu'ils sont les mieux placés pour donner leur avis sur les voies de navigation, les endroits où les navires ne devraient pas aller et ceux où ils devraient ralentir. Il faut que tous les navires utilisent les mêmes couloirs. C'est la principale préoccupation que nous avons entendue », explique Mme Arreak-Pitseolak.

« Le projet est important, car il fait en sorte que notre communauté ait son mot à dire dans le choix de l'emplacement de ces couloirs et dans leur gestion, déclare Natasha Simonee, animatrice communautaire de projet à Pond Inlet. Vingt-cinq des 26 communautés du Nunavut sont établies sur la côte, et les eaux sont importantes pour nous tous les jours de l'année, tant pour nos déplacements que pour la vie marine qui contribue à notre alimentation. Aménager ces couloirs n'importe où, c'est comme construire une route qui traverse une ferme. Nulle part ailleurs au Canada on n'irait de l'avant sans demander d'abord où devrait passer la route. »

Pourquoi MEOPAR?

« Il est vraiment difficile de trouver du financement pour ce type de projet de recherche en raison de sa nature interdisciplinaire. Pour mettre en place la base de données sur les voies de navigation, par exemple, nous avons dû faire appel à des spécialistes de la glace de mer, de l'imagerie satellite et des mathématiques avancées. Nous avons aussi dû recourir à des spécialistes en sciences sociales possédant les compétences voulues pour travailler auprès des communautés inuites. La beauté de MEOPAR et du Programme des RCE, c'est que l'on met l'accent sur le transfert et la diffusion des connaissances », explique Mme Dawson.

En tant que Réseau de centres d'excellence d'envergure nationale, MEOPAR est en mesure de recruter des spécialistes partout au Canada. « Ce projet vise à permettre une navigation sure et durable dans le Nord, explique M. Doug Wallace, directeur scientifique de MEOPAR. Or, les différentes disciplines scientifiques et parties intéressées sont dispersées partout au pays. Chaque participant au projet a une pièce du casse-tête et le RCE permet de réunir toutes ces pièces pour régler des problèmes qui requièrent des solutions pragmatiques. »

« Lorsque MEOPAR a été lancé, nous avions ce principe des ‘‘3 M'' : nous voulions que nos projets soient multidisciplinaires, multisectoriels et multifonctionnels… et nos travaux se font remarquer à l'étranger, ajoute M. Wallace. L'an dernier, en 2016, nous avons été invités à un sommet ministériel sur la politique canado-américaine concernant le Nord en raison de la diversité de nos travaux qui portent principalement sur le climat, mais également sur l'adaptation et à la préparation des communautés dans le Nord ».

Neil O'Rourke, directeur du Soutien logistique intégré à la Garde côtière canadienne, a résumé l'importance du projet lors d'une entrevue donnée en avril 2016 à la CBC : « En définitive, il s'agit d'améliorer les services aux communautés nordiques et de faire en sorte que le Canada soit prêt pour la navigation internationale qui transitera par le passage du Nord-Ouest. Nous voulons nous assurer d'atténuer tout effet négatif sur ces communautés et leur mode de vie bien établi tout en atténuant aussi tout impact sur l'environnement. »

M. Wallace ajoute que le projet n'aurait pas été possible sans le soutien d'Irving Shipbuilding. La société a investi 1 million de dollars au total dans neuf projets de MEOPAR visant à développer et à appliquer de nouvelles technologies ou méthodes pour favoriser l'observation de l'environnement, la sécurité des opérations et les mesures d'intervention d'urgence sur les côtes et les océans du Canada.

« Irving Shipbuilding attache beaucoup d'importance à la durabilité et au dynamisme de l'industrie maritime canadienne, déclare Kevin McCoy, président de l'entreprise. Il s'agit pour nous d'une priorité s'inscrivant dans le cadre de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale. Nous sommes fiers de travailler avec MEOPAR pour soutenir partout au pays la recherche de pointe qui peut aider à atteindre cet objectif. »

Légende : MEOPAR a reçu 28,5 millions de dollars à l'issue du dernier concours du programme des RCE, annoncé en mars 2017.

Partenaires ou parties intéressées :

  • Pêches et Océans Canada – Garde côtière canadienne
  • Environnement et Changement climatique Canada – Service canadien des glaces
  • Transports Canada
  • Océans Nord Canada
  • Inuit Tapiriit Kanatami (organisation inuite nationale du Canada)
  • Fonds mondial pour la nature (WWF)
  • Programme de surveillance générale du Nunavut
  • Institut de recherche du Nunavut
  • Irving Shipbuilding inc.
  • exactEarth inc.
  • Mittimatalik Hunters and Trappers Organization – Pond Inlet
  • Arviat Wellness Centre – Arviat
  • Ikaarvik: Barriers to Bridges Program
  • Ekaluktiak Hunters & Trappers Organization
  • étudiants pour le Nord canadien
  • Ulukhaktok Community Corporation – Ulukhaktok
  • Olokhaktomiut Hunters & Trappers Committee – Ulukhaktok