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Traitement : trouver LA molécule parmi la multitude de possibilités

Le chercheur Ratmir Derda du réseau GlycoNet
Mention de source : John Ulan pour la faculté des sciences de la University of Alberta


Le développement d'un nouveau médicament commence par l'identification de la molécule ou du « ligand » qui peut bloquer la molécule cible ou le « récepteur » en cause dans une maladie. Même en ayant recours au criblage à haut débit, le processus pour trouver le ligand qui convient à un récepteur parmi les millions de composés possibles est couteux, très risqué et long. Il faut habituellement 15 ans environ et plus de 800 millions de dollars pour convertir une cible prometteuse en un médicament pouvant être commercialisé.

Pour accélérer le processus de découverte, le Canadian Glycomics Network (GlycoNet) a lancé, en janvier 2017, en partenariat avec l'Alberta Glycomics Centre (AGC) et le Derda Research Group de la University of Alberta, un service qui permet aux chercheurs universitaires et aux entreprises de biotechnologie de trouver l'« aiguille dans la botte de foin » en beaucoup moins de temps et pour beaucoup moins cher. Grâce au service 48Hour Discovery, des millions, voire des milliards, de molécules peuvent être criblées simultanément dans une seule éprouvette, et les résultats peuvent être obtenus en seulement 48 heures.

Ce service, l'un des quatre principaux services offerts par GlycoNet, favorise aussi l'établissement de partenariats à long terme avec l'AGC et les chercheurs de calibre mondial, les laboratoires gouvernementaux et les partenaires du secteur privé qui font partie du réseau GlycoNet.

« Sans l'aide d'AGC et de GlycoNet, cela n'aurait jamais été possible. Ces deux organisations ont contribué de façon importante au financement de la recherche dans le domaine », explique le chercheur principal, Ratmir Derda.

Pour avoir recours à ce service, les clients n'ont qu'à envoyer leur cible par la poste au laboratoire de M. Derda. En deux jours, les scientifiques fournissent la structure moléculaire des touches ou ligands et une prédiction sur l'interaction avec la cible.

« Les entreprises ou les universités qui voudraient réaliser elles mêmes ce processus devraient normalement dépenser des millions de dollars pour se doter de l'infrastructure spécialisée qui permet d'entreposer et de traiter de 100 000 à un million de composés différents », précise M. Derda.

« De plus, les couts de fonctionnement sont très élevés, poursuit le chercheur. Le processus de découverte moléculaire commence habituellement par la mise en contact avec un million de composés différents pour déterminer celui qui convient le mieux à la cible. S'il en coute habituellement 50 cents par test et par composé, le cout de cette première étape simple peut être astronomique. Nous réduisons considérablement le cout de la recherche des molécules et décuplons simultanément le nombre de molécules accessibles. Nous croyons que le fait d'accélérer l'étape initiale du processus favorisera la découverte de médicaments. »

L'équipe de recherche de M. Derda s'est servie différemment des outils de génomique – notamment les outils de séquençage, d'extraction de données et de gestion de la recherche de la nouvelle génération – en les utilisant en chimie pour analyser des combinaisons de millions de petits ligands. Puis, elle a eu recours à un éventuel médicament candidat, appelé la tête de série, pour « repêcher » le bon ligand. Le repérage de multiples têtes de série de grande qualité demeure un frein qui ralentit considérablement le processus de découverte de médicaments d'aujourd'hui.

« Nous nous concentrons sur l'interaction ligand récepteur, où le récepteur peut être n'importe quelle molécule, souvent une protéine, qui se liera à la protéine cible. C'est comme trouver la bonne clé pour ouvrir une serrure », explique M. Derda.

Ce service interne repose sur l'expertise de l'équipe de recherche en biologie moléculaire, en informatique et en biochimie ainsi que sur l'expérience qu'a acquise le Canada au cours des dernières décennies en recherche sur la glycomique et les glucides. La collaboration avec Ferring Pharmaceuticals dès le début du projet a été bénéfique. L'expertise de l'entreprise en exposition sur phage (une technique de criblage à haut débit) et en affaires ont aidé M. Derda à créer ce service qui répond aux besoins des clients.

« Si le processus est trop long et trop complexe, vous abandonnerez avant même d'avoir essayé de développer un médicament pour une cible particulière, car c'est beaucoup trop risqué, affirme John Dwyer, chercheur principal, Ingénierie des protéines, chez Ferring Pharmaceuticals, à San Diego. Mais avec un service comme celui là, il devient rentable pour une entreprise de cribler une grande variété de composés afin d'en trouver un qui fonctionne. Arriver à cribler un plus grand nombre de cibles et à commercialiser un médicament plus rapidement, voilà pour moi ce qui constitue les véritables avantages de cette technologie. »

Le laboratoire de M. Derda est le tout premier avec lequel Ferring Pharmaceuticals a colloboré au Canada, et demeure, à ce jour, le seul. L'entreprise travaille actuellement avec l'équipe de la University of Alberta à la création de méthodes et de technologies pour accélérer la recherche dans le marché mondial en croissance rapide des médicaments à base de peptides (les peptides se situent entre les petites molécules et les plus gros composés biologiques).

« L'équipe de Ratmir est exceptionnelle, ajoute M. Dwyer. Lorsque nous cherchions des collaborateurs pour nous aider, même certaines des personnes avec qui nous voulions travailler nous parlaient de l'efficacité du laboratoire de M. Ratmir. J'ai vite compris que je devais parler à cet homme. »

Un nouvel outil de diagnostic

Les diagnostics devraient être l'un des premiers volets des soins de santé à tirer parti du service 48Hour Discovery. Selon M. Derda, une fois que la molécule cible est identifiée, il est possible de concevoir, en quelques mois, un test simple qui permettra de diagnostiquer des maladies telles que la grippe et la tuberculose.

« Un diagnostic précoce modifie considérablement l'issue d'un traitement, ajoute M. Derda. Il se pourrait que, dans certains cas, il ne soit même plus nécessaire de développer de meilleurs médicaments; il suffirait de dépister les maladies plus rapidement. »

M. Derda a une autre bonne raison de vouloir commercialiser le service 48Hour Discovery. Incapables de trouver un bon emploi en Alberta ou ailleurs au Canada, beaucoup de ses anciens étudiants sont déménagés aux États Unis et dans d'autres pays. « J'espère réellement que ce service prendra de l'expansion au cours des prochaines années et qu'il se transformera en une entreprise autonome. Il offrirait à mes étudiants l'occasion d'obtenir un premier emploi dans une véritable entreprise au Canada. »