Cathéter à ballonnet pour cryoablation de Medtronic
Lorsqu'il s'agit des soins de santé, les Canadiens sont tous d'accord : il vaut mieux régler un problème dès que possible plutôt que de le laisser s'aggraver au point de devenir dangereux. Pourtant, c'est ce qui arrive à de nombreuses personnes qui souffrent de fibrillation auriculaire (FA), maladie chronique évolutive qui touche entre 350 000 et 700 000 Canadiens, soit de 1 à 2 pour cent de la population canadienne.
Il existe toutefois une solution prometteuse à long terme : la cryoablation, intervention peu invasive qui utilise des produits conçus et mis en marché par Medtronic (Montréal) et par Baylis Médicale inc. (Montréal). L'intervention est principalement utilisée chez les patients qui sont atteints de FA à un stade avancé et pour lesquels le traitement médicamenteux ne donne pas de résultats. Les chercheurs pensent que l'utilisation de cette intervention plus tôt, ou peu de temps après le diagnostic de FA, permettrait à beaucoup de gens d'avoir une meilleure qualité de vie, puisqu'ils n'auraient pas à prendre des médicaments toute leur vie.
« La pratique actuelle consiste à prescrire des médicaments aux patients; lorsque cela n'a pas d'effet, on a recours à l'ablation », explique le Dr Jason Andrade, chercheur principal et directeur de la clinique de fibrillation auriculaire, d'électrodiagnostic non invasif et d'électrophysiologie cardiaque à l'hôpital général de Vancouver. « Mais on ne traite alors que les symptômes. Si nous commençons par une ablation, il se peut que nous puissions supprimer la fibrillation auriculaire aux premiers stades de la maladie, ce qui peut se traduire par une réduction des risques d'accident vasculaire cérébral et d'autres maladies du cœur. »
Le ReCAr réunit des fonctionnaires, des autorités du milieu de la santé, des représentants de l'industrie, des chercheurs universitaires, des ingénieurs, des spécialistes des sciences sociales et des médecins pour effectuer un essai clinique visant 300 patients à 20 endroits différents au Canada. L'étude permettra de comparer l'efficacité du traitement médicamenteux par rapport à l'intervention chirurgicale effectuée dès les premiers stades de l'arythmie cardiaque et d'examiner les moyens de simplifier l'intervention chirurgicale pour traiter un plus grand nombre de patients de manière rentable.
Pour l'intervention, on se sert d'une aiguille transseptale à radiofréquence, fabriquée par Baylis Médicale, et d'un cathéter à ballonnet pour cryoablation, fabriqué par Medtronic, pour détruire les petites parties du tissu cardiaque qui causent des pulsations rapides et irrégulières. Les chercheurs pensent qu'en employant cette technique dès les premiers stades de la maladie (c'est-à-dire chez les jeunes adultes), on pourrait l'empêcher de réapparaitre plus tard; on éviterait ainsi des décès prématurés et on économiserait des centaines de millions de dollars en couts de santé directs et indirects. Les patients qui subissent cette intervention chirurgicale rentrent chez eux dans les 24 heures et sont rétablis au bout de quelques jours.
L'étude est l'un des projets financés par le ReCAr visant à réduire de 20 pour cent le nombre de visites aux urgences et d'hospitalisations liées à la FA, tout en créant de nouveaux débouchés pour les entreprises canadiennes du secteur des sciences de la vie.
« Nous devons d'abord étudier l'efficacité de la technique – permet-elle de fournir de meilleurs soins aux patients? », explique le Dr Allan Skanes, responsable du suivi de la FA au sein du ReCAr et directeur du laboratoire d'électrophysiologie au London Health Sciences Centre.
L'argent est aussi un facteur. La FA est l'une des maladies chroniques les plus couteuses pour le système de soins de santé du Canada et les médicaments coutent moins cher que les interventions chirurgicales – du moins à court terme. Afin de résoudre ce problème, l'équipe du projet fera appel au réseau interdisciplinaire du ReCAr pour déterminer si cette intervention est rentable.
« Si les médicaments n'ont pas d'effets et que les gens reviennent régulièrement aux urgences, qu'ils ne peuvent pas travailler, qu'ils souffrent psychologiquement, il en résulte des couts énormes », affirme le Dr Andrade. « Nous avons donc demandé à des économistes de la santé de se pencher sur la situation et d'essayer de déterminer quel est le moment idéal pour intervenir. »
Comme le fait remarquer le Dr Skanes : « L'intervention doit être rentable tout en présentant des avantages pour les patients », lorsqu'on la compare au traitement médicamenteux actuel.
De nouveaux marchés pour le secteur canadien de la technologie
Le cathéter à ballonnet pour cryoablation a été inventé au Québec par CryoCath Technologies, entreprise qui collabore depuis longtemps avec les chercheurs de l'Institut de Cardiologie de Montréal, y compris le Dr Andrade et de nombreux autres chercheurs maintenant associés au ReCAr. En 2009, Medtronic a acheté CryoCath Technologies. L'entreprise a depuis accru ses effectifs de R et D et de fabrication, qui comprennent plus de 550 personnes au Québec, tout en poursuivant sa collaboration avec le milieu universitaire, dont sept projets en cours avec le ReCAr. Le président de Medtronic Canada, Neil Fraser, siège au conseil d'administration et au comité consultatif (affaires) du ReCAr.
Medtronic produit déjà plus de 100 000 cathéters à ballonnet pour cryoablation par an, la plupart étant vendus à l'étranger. L'appareil permet de réduire la durée de l'intervention chirurgicale d'environ 20 pour cent, ce qui est important pour les hôpitaux qui veulent offrir cette intervention à un plus grand nombre de patients. Par ailleurs, des études antérieures ont montré que la cryoablation a des avantages à plus long terme par rapport au traitement médicamenteux.
Pourtant, malgré ces avantages, Medtronic a du mal à accroitre sa part de marché.
« Comme nous l'avons constaté, il ne suffit pas qu'un essai clinique ait des résultats positifs pour que le système de soins de santé l'adopte », confie Allison Rubino, gestionnaire de la recherche clinique chez Medtronic Canada. « La publication d'articles scientifiques ne mène pas toujours à une application clinique, parce que certains intervenants n'ont pas participé et ne se sont pas entendus au départ. Ce qui est formidable avec le RCE, c'est qu'il offre un cadre bien structuré qui crée un mécanisme acceptable pour réunir tous les intervenants du milieu de la santé afin de produire du savoir et de mettre ensuite les connaissances en pratique. L'essai clinique pour le traitement de la FA est important pour Medtronic, car il permet de bien comprendre la valeur de la cryoablation utilisée dès le début de la FA. Sans le ReCAr, je ne crois pas que cette étude aurait pu être menée au Canada. »
Baylis Médicale, l'autre partenaire industriel participant à l'essai, a inventé ce que le Dr Skanes décrit comme une « version plus évoluée et plus utile que la vieille technique de l'aiguille émoussée » pour permettre au chirurgien d'accéder au côté gauche du cœur. Une fois la perforation effectuée, le cathéter à ballonnet pour cryoablation de Medtronic peut être dirigé dans l'oreillette gauche pour traiter l'arythmie. L'essai du ReCAr permettra de comparer les outils transseptaux de Baylis, notamment l'aiguille transseptale RF NRG, la gaine transseptale et le dilatateur TorFlexMC, et le fil ProTrackMC aux outils transseptaux courants.
« Nous avons participé aux travaux du ReCAr dès le départ et nous pouvons affirmer que sans lui, nous serions très loin d'où nous sommes aujourd'hui », affirme Kris Shah, le président de Baylis Médicale. « Le ReCAr nous a aidés à accélérer le développement de nos produits et à améliorer la conception de nos dispositifs médicaux, notamment la trousse SupraCrossMC (qui permet l'accès par cathéter transseptal depuis le cou). Depuis, nous avons lancé ce produit en Europe, au Canada et aux États-Unis, et il a eu une incidence très positive pour notre entreprise. »
M. Shah espère que l'essai concernant la cryoablation utilisée dès le début de la FA connaîtra autant de succès. « Le simple fait de participer à l'étude a été très utile pour nous, car tous les centres canadiens pourront utiliser notre technologie et formuler des suggestions quant à la façon de l'améliorer », indique M. Shah. « Et si, comme nous l'espérons, les résultats de l'étude sont positifs, cela nous aidera énormément à commercialiser le dispositif dans le monde entier. »
Environ 98 pour cent des ventes de Baylis proviennent de ses exportations, et l'entreprise prévoit accroitre le nombre de ses employés canadiens de 250 à environ 400 d'ici 2020. La nouvelle installation de R et D et de production de 40 millions de dollars de l'entreprise, à Mississauga, lui permettra d'accroitre sa production, d'agrandir sa gamme de produits et d'accéder à de nouveaux marchés dans le monde.
« Ces deux entreprises ont une part du marché, et leur partenariat avec le ReCAr est une occasion réelle de pénétrer de nouveaux marchés », affirme le Dr Skanes. « C'est avantageux à la fois pour les malades et pour les technologies de conception canadienne. »